"La conversation
sur le chapitre qui nous intéresse, est vraiment
intarissable."
"Je n'ai rien vu ici,
qui m'ait plus frappé, qui m'ait fait plus plaisir que le
Diorama."
"mais rien n'est au
dessus de deux vues peintes par Mr
Daguerre: l'une d'Edimbourg, prise au clair de lune, au moment d'un
incendie; l'autre d'un village Suisse, prise à l'entrée
d'une grande rue, et en face d'une montagne d'une hauteur
prodigieuse, couverte de neiges éternelles..."
"Ces
représentations sont d'une telle vérité,
même dans les plus petits détails, qu'on croit voir la
nature agreste et sauvage avec tout le prestige que lui prêtent
le charme des couleurs et la magie du clair obscur, le prestige est
même si grand qu'on serait tenté de sortir de sa loge
pour parcourir la plaine et gravir jusqu'au sommet de la montagne. Il
n'y a pas, je te l'assure, la moindre exagération de ma
part...."
Niépce à
son fils Isidore: 2 et 4 septembre 1827
"Le soleil brille sur l'horizon, et éclaire de
ses rayons, qu'aucun nuage ne peut affaiblir, les montagnes qui
bornent la perspective et qui dominent le village d'Unterseen. Un
mont couvert de neige, est le point le plus lumineux de ces derniers
plans, qui sont eux-mêmes inondés de lumière. Six
chalets, disposés sur deux rangs, et formant les
cötés d'une rue spacieuse, occupent les devants du
tableau. Trois de ces maisons (celles de gauche) reçoivent la
lumière, les autres sont dans l'ombre; mais cette ombre est
fort légère, la clarté du soleil étant
très vive, et ses reflets très ardents. Ainsi tout est
clair dans ce paysage, et cependant les choses de vigueur n'y
manquent pas. Mr Daguerre, sans sortir du ton local, a
ménagé des oppositions d'un effet délicieux.
Le chalet, qui occupe la droite de la rue, constitue la
plus solide de ces oppositions; la teinte de cet édifice est
cependant argentine et neutre, heureusement dans l'harmonie
générale. Les points les plus vigoureux du tableau sont
dans cette partie, ainsi que dans la toiture du chalet opposé
à celui-là. Tout ce que la palette a de puissance
mettait à contribution pour rendre l'humidité qui
règne sur les planches dont les maisons sont recouvertes; pour
faire ressortir des galeries, des perches, du linge étendu,
des renfoncements de fenêtres ou de portes; pour donner
à une eau stagnante, qui mire des objets privés de
lumière, sa transparence sa profondeur; pour enlever enfin
à de larges surfaces de plâtre et de sapin lavé
l'aspect monotone qui ne blesse pas dans la nature et qui serait un
défaut dans une image de la nature.
Les accessoires du tableau de M. Daguerre sont frappant
de vérités. Comme points d'illusion on ne peut rien
voir de plus parfait qu'un tronc de chêne partagé par
deux traits de scie, et dont les planches superposées sont
séparées par des coins. On doit en dire autant d'autres
arbres coupés et vus en perspective, d'un baquet, d'un
chaudron, d'une lanterne, de masses de chanvre, de touffes de
feuilles sèches, et d'une foules d'autres détails qui
donnent, pour ainsi dire, la vie à cette belle
peinture......
Aucun souvenir historique de quelque importance ne fait
vivre Unterseen dans la mémoire des voyageurs; sa position
seule force le souvenir. Unterseen est un village peu ancien; au
moins ses constructions les plus vieilles ne remontent pas à
des temps bien reculés; il est vrai qu'elles sont en bois. Le
plus vieux des chalets de cette commune remonte au quinzième
siècle."