* Affirmation de Bayard à l'Académie des beaux-arts.
Avant propos: En 1989, Bernard Lefebvre nous a confié ses archives; celles-ci contenaient la copie des manuscrits de Biot à Talbot. Nous avons donc pu effectuer cette étude. Nous avons communiqué nos conclusions à Anne de Mondenard, lorsque cette dernière préparait son exposition sur la Mission Héliographique. (Anne de Mondenard, page 26 de son livre sur la Mission Héliographique paru en 2002, est aussi peu convaincue sur "le Bayard inventeur". : http://editions.monuments-nationaux.fr/fr/le-catalogue/bdd/livre/111.)
Nota: sur ce site, les écrits en bleu sont des liens.
Sommaire: La correspondance de Jean-Baptiste Biot avec Talbot, les communications aux Académies des sciences et des beaux-arts, nous permettent, en reprenant la chronologie des événements, de faire apparaître la contribution d'Hippolyte Bayard à l'invention de la photographie, sous son véritable aspect.
-Biot communique à l'Académie des sciences le procédé sur papier de Daguerre: précision indiquée; le papier est plus sensible en l'employant humide.
-Biot communique à l'Académie des sciences le procédé sur papier de Talbot.
-Le procédé_sur_papier_de_Daguerre. janvier, février 1839.
-Selon les indications de Bayard mentionnées au début de son cahier d'essais, en haut de la troisième page*, ce dernier aurait obtenu des épreuves en sens direct dans la chambre noire et aurait montré ses essais à Grevedon et à Saint.
*-cahier d'essais des différents procédés publiés. Nous ferons remarquer que ce texte a été écrit dans le même jet, donc après le 10 juin.
-Le chimiste Lassaigne divulgue son procédé_positif à l'Académie des sciences. Bayard n'a pas encore vu Arago. Pas de paquet cacheté déposé à l'Académie des sciences, ni de protestations de Bayard.
-Bayard montre ses essais à Biot. (indications de Bayard à l'Académie des beaux-arts le 2 novembre 1839: Il ne communiqua pas son procédé)
-Bayard montre ses essais à Arago. (indications de Bayard à l'Académie des beaux-arts le 2 novembre 1839: Il ne communiqua pas son procédé)
-Biot à Talbot.
" Il y a à Paris quelques personnes qui cultivent votre art c'est à dire qu'elles font des dessins photogéniques, où elles obtiennent directement les lumières reproduites par des lumières, en se servant de la radiation pour blanchir le papier noirci par le chlorure d'argent, en y répandant une couche d'iodure de Potassium*. L'une de ces personnes est Mr Lassaigne, chimiste ingénieur, dont vous connaissez peut être plusieurs mémoires intéressants, lui et une autre personne, m'avaient montré des calques de gravures, et même des dessins à la chambre noire, obtenus avec assez de netteté, par ce procédé. Je leur avais demandé, et elles m'avaient promis, quelques dessins ainsi tracés, sur une feuille de papier à lettre, que j'aurais achevé de remplir par mes remerciements. mais elles ne m'ont pas tenus parole...."
-*Cette autre ne peut être Bayard; il communiquera son procédé le 24 février 1840: lire les commentaires suivants.
-Bayard montre et donne des photographies dans le cadre d'une exposition au bénéfice des sinistrés de la Martinique.
-Cette exposition prévue le 1er Juillet, fût repoussée au 14 juillet. Il n'y a donc jamais eu d'exposition le 24 juin 1839: Bayard, qui connaissait cette fausse date, se garda bien de la faire rectifier. (voir les CR dans la revue de la SFP)
-Divulgation des procédés de Niépce et de Daguerre.Dans le procédé de Daguerre, l'image latente est révélée par les vapeurs de mercure.
-Bayard sollicite l'Académie des beaux-arts pour lui montrer ses essais en positif direct. (contredit l'affirmation de timidité de Bayard)
"Ces dessins n'ont point toute la finesse et toute l'exactitude de détails que l'on trouve dans ceux produits par le Daguerreoptique (sic)....Mon procédé est d'ailleurs susceptible de perfectionnement et outre que ce serait un grand encouragement pour moi, si Messieurs les membres de l'Académie des beaux-arts voulaient en faire l'honneur d'examiner les résultats obtenus, je ferais probablement de nouveaux progrès à leurs observations et à leurs conseils. &&&": à la, lecture de cette lettre, nous constatons que Bayard n'avait pas l'intention de communiquer son procédé.
-Rapport de l'Académie des beaux-arts.
-Selon les indications de Bayard à l'Académie des beaux-arts: "Ce fût le 20 mars suivant, qu'il obtint, par le procédé qui lui est propre, la première image en sens direct " &&& (sans indiquer le mode opératoire, ni mentionner qu'il aurait montré ses essais le 22 mars à Grevedon, lithographe et portraitiste réputé)
-Bayard recevra 600 francs du ministre de l'intérieur pour acheté une chambre noire plus parfaite et améliorer son procédé.
-Biot à Talbot.
"il y a ici un monsieur Bayard, qui a présenté à l'académie des beaux-arts des épreuves de ce genre, faites à la chambre obscure, dont l'effet à paru très satisfaisant par les motifs que je viens de rappeler, quoiqu'il fut excessivement inférieur a celui que Daguerre produit. Les contours sont mous et indécis, les demi-teintes sont détruites, ou très imparfaites..... du reste personne ne l'a vu opérer, et il n'a pas fait connaître son procédé...."
-Bayard dépose un paquet cacheté à l'Académie des sciences.
-Biot à Talbot.
"il y a ici un Mr Bayard, employé aux finances, qui, non pas avant l'exhibition de Daguerre, mais avant la publication de son procédé (donc le 14 juillet 1839 note de JR), a montré des épreuves faites ainsi dans la chambre noire avec beaucoup d'agrément. mais il n'a pas fait connaître son moyen; et comme il en veut, je crois, tirer un parti plus profitable pour lui, que scientifique."
-Bayard communique son procédé à l'Académie des sciences.
"J'avais différé jusqu'à ce jour de rendre public le procédé photographique dont je suis l'auteur, voulant rendre auparavant ce procédé aussi parfait que possible, mais je n'ai pu empêcher qu'il n'en transpirât quelque chose, et qu'on pourrait ainsi, en profitant plus ou moins de mon travail, m'enlever l'honneur de la découverte, je ne crois pas devoir tarder plus longtemps à faire connaître la méthode qui m'a réussi.&&&"
-réclamation de Lassaigne à l'Académie des sciences.
"Les procédés photogéniques que viennent de publier MM Bayard et Vérignon étant fondés sur le principe que j'ai d'abord reconnu, et que j'ai mis à exécution, il y a environ un an, pour calquer des gravures par l'action de la lumière, j'ai l'honneur de rappeler que le 8 avril 1839, &&&&"
-Biot à Talbot:
-Mise au point d'Arago:
"Le procédé indiqué par MM Vérignon et Bayard ne diffère en rien (en italique dans le texte note de JR) de celui de M Lassaigne, que M. Fyfe, de son côté, a imaginé et communiqué à la Société des Arts d'Edimbourg, le 17 avril 1839.&&&". Il s'avère aussi que Lassaigne et Fyfe ont employé les premiers le papier humide, précision ignorée, semble t'il, par Bayard, Vérignon et Biot. (Voir la copie des précisions d'Arago, en fin de page.)
Par la date des publications et les précisions apportées par Arago, Lassaigne est bien l'inventeur de ce procédé, procédé publié complètement le 10 avril 1839. (note de JR)
-Ne pouvant plus convaincre l'Académie des sciences, il sollicite, une nouvelle foi, l'Académie des beaux-arts pour lui montrer les "améliorations" de ses essais en positif direct. (voir la lettre du 19 septembre 1839)
"l'approbation que l'Académie a bien voulu donner à mes essais, m'a encouragé à faire tous mes efforts pour perfectionner mon procédé et je suis parvenu à pouvoir obtenir des dessins beaucoup plus grands et plus nets que les premiers....".
-Becquerel, par l'intermédiaire de J B Biot, énonce les principes de l'image latente. Communication à l'Académie des sciences.
-Biot à Talbot.
"Il (Bayard) est arrivé à obtenir des dessins, fait par la chambre obscure dont les artistes habiles m'ont paru très charmé. Mais il tient son procédé secret et comme il n'a aucune notion de chimie, je crains fort que sa routine seule le guide." (Biot ne sait pas que Bayard montre, une nouvelle foi, des photographies obtenues avec le procédé de Lassaigne.)
-Talbot annonce à Biot, la découverte de l'image latente sur papier.
-Biot communique la découverte de Talbot à l'Académie des sciences.
-A l'annonce faite par Talbot, Bayard revendique la priorité de la découverte de l'image latente et demande l'ouverture du paquet déposé à l'académie, le 11 novembre 1839.
-Biot à Talbot:
-Jones Richard à Talbot: au sujet du procédé de Bayard.
"Le procédé de M. Bayard est tout à fait différent du vôtre, au préalable il noircit le papier à la lumière avant de le mettre dans la chambre obscure, ensuite il le plonge dans un liquide qui le rend sensible à la lumière et produit ainsi, une image positive.....
....alors que j'étais à Paris en Mai dernier,......je l'ai vu recevoir de la Société d'Encouragement 4000 francs, il a été obligé, en cas de son décès, de déposer le secret auprès du Baron Seguier, qui m'a dit que la méthode est merveilleusement simple. J'ai plutôt tendance à croire qu'il sera obligé de le publier après une certain temps....."
Nous contatons que Bayard utilise à cette date, le procédé identique à celui de Lassaigne, en faisant croire que ce procédé est une nouvelle invention. Il ne divulguera pas ce procédé avant la mort d'Arago.
- Dans le journal la Lumière: Après le décès d'Arago, au moment où les attaques contre Daguerre étaient à leur paroxysme, Bayard mentionna que l'académicien "avait" fait pression sur lui, pour ne pas annoncer son procédé. (les faits et les dates ne confirment pas ses affirmations.)
-Nous sommes toujours "circonspect" de lire les réclamations faites après le décès des personnes mises en cause.
Nota:
-Nous avons eu l'occasion d'examiner le carnet d'essais de Bayard conservé à la S F P; il n' y a pas de dates précises pour chaque essai. On peut affirmer, à l'examen de ce carnet, que Bayard procède à des expériences dès la divulgation des procédés par les inventeurs. Cette analyse correspond aux commentaires de Biot.
-Certains auteurs ont vu en Bayard, l'inventeur inconnu. Il suffit de lire attentivement les ouvrages de Charles Chevalier pour ne pas retenir cette hypothèse et c'est bien mal connaître la personnalité de ce dernier pour ne pas avoir compris. Nous en trouvons la raison dans le plaidoyer d'Arthur Chevalier pour son père, distribué à ses anciens amis. Correspondance de Mr Courbe à Arthur Chevalier, page 173: " Charles Chevalier paraissait à l'époque dominé par le désir de se faire un nom...".
-L'hypothèse de Bayard inventeur prend tout son sens avec l'affaire Niépce-Daguerre utilisée par les détracteurs de ce dernier contre Arago.
Une étude remarquable sur "le Bayard véhiculé par les historiens" a été effectuée en septembre 2005 par Valérie ALBAC sous le titre suivant:
Ce mémoire, non édité, est consultable à la bibliothèque de la Société Française de Photographie: http://www.sfp.photographie.com/
Observations et commentaires:
1-Cette identité de démarche dans les deux procédés, faisant appel aux découvertes des inventeurs, confirme bien l'opinion de J B Biot sur les connaissances supposées en chimie de Bayard: " je crois aucune connaissance bien précise, ou bien étendue, de chimie ni de physique".
2-Cette identité de démarche, infirme les prétendues recherches de Bayard antérieures à l'annonce d'Arago du 7 janvier 1839.
3-Bayard appela "son" procédé négatif sur papier "daguerréotype sur papier".
4-Tout comme Bayard, si Talbot n'avait pas connu le procédé de Daguerre, il n'aurait certainement pas inventé son procédé calotype en septembre 1840.
5-Nous rappelons que dans le procédé de Niépce, il faut dépouiller l'image, c'est à dire enlever le bitume qui n'a pas était insolé: la révélation fait apparaître, sans ôter le produit. Nous avons aussi indiqué, dans l'une de nos notes antérieures, qu'en cas de faible concentration de bitume de Judée, l'image était visible après exposition à la lumière. Voir la note à ce sujet, dans l'opuscule de Daguerre. L'image latente est bien le phénomène physique essentiel à l'origine de la diminution du temps de pose.
6-Au sujet du rapport de l'Académie des beaux-arts, nous ferons remarquer, qu'il n'existe aucune preuve réelle et vérifiable des dates du 20 et 22 mars 1839 pour les premiers essais de Bayard. Lorsque ce dernier montra ses photographies, il n'indiqua jamais le procédé utilisé; relire à ce sujet les commentaires de J B Biot. A ces mêmes dates, Bayard, n'ayant pas encore rencontré et montré ses essais aux deux scientifiques, avait toute possibilité de déposer un paquet cacheté à l'Académie des sciences ou de protester lorsque Lassaigne communiqua son procédé le 8 avril 1839. Il est aussi évident que le chimiste Lassaigne procédera à des essais avant cette date.
A ce sujet, Lassaigne écrit: " L'action que le solutun d'iodure de potassium exerce, sur le sous-chlorure d'argent brun qui passe promptement à l'état d'iodure d'argent jaune, sous l'influence de la lumière directe ou réfractée, nous a fait employer un des premiers, cet iodure pour obtenir des dessins photographiques sur du papier noirci par le sous-chlorure d'argent."
7-La lettre du 18 septembre 1839 à l'Académie des beaux-arts, la communication du 24 février 1840 à l'Académie des sciences, la lettre du 24 octobre de la même année à l'Académie des beaux-arts, ainsi que la photographie du noyé, confirment que Bayard n'avait nullement l'intention de communiquer le procédé direct en 1839. De même, celles-ci infirment les hypothèses de choix politique ou d'exclusion de Bayard par Arago la même année.
Par la date des publications et les précisions apportées par Arago, Lassaigne est bien l'inventeur de ce procédé, procédé publié complètement le 10 avril 1839, bien avant la visite de Bayard à Arago pour lui montrer ses essais.
8-N'ayant rien obtenu de la part du gouvernement, après sa communication à l'Académie des beaux-arts le 24 octobre 1840, Bayard réalisera sa célèbre mise en scène du noyé, photographie datée aussi d'octobre 1840. La mise au point d'Arago ne lui permettait plus d'obtenir une quelconque récompense financière de la part du gouvernement.
références:
-L'invention de la photographie: une tragédie (à paraître).
-Compte rendu de l'Académie des sciences.
-Compte rendu de l'Académie des beaux-arts.