S'appuyant sur les mensonges** de la famille
de Niépce et de l'historien local V. Fouque ainsi que sur des incohérences du savant
Chevreul (1), la municipalité de Chalon, suite à une
séance du conseil municipal, a édité en 1877 ce
document qui contribua à faire considérer Niépce
comme seul inventeur et Daguerre comme usurpateur.
La lecture des ouvrages sur les
débuts de la photographie et la consultation des
différents sites internet, peuvent laisser perplexe un lecteur
voulant s'informer et se forger une opinion sur le délicat
problème de savoir qui est l'inventeur de la photographie,
Niépce ou Daguerre.
Depuis plus de 150 ans,
l'idée admise dans l'hypothèse la moins permissive,
considère Niépce comme inventeur et Daguerre comme
celui qui a amélioré le procédé du
bourguignon. Pour notre part, nous avons déjà
dénoncé par différents articles, les erreurs,
les
incompétences, les
manipulations, la désinformation ou pour parler vrai,
les mensonges pratiqués par des
auteurs indélicats ou sans scrupules.
Dans son article paru dans le
"Monde" du 23 décembre 1998 sur le portrait de "Monsieur Huet"
fait par Daguerre en 1837, Michel Guerrin:
Le Monde s'est fait l'écho
des objections que nous avions exprimées dans nos
différents articles de la revue "Vivre
en Val d'Oise", ainsi que dans "Une
lettre ouverte" publiée en 1991 et aussi "différents
témoignages"
parus dans la
presse
Compte tenu de cette légende
savamment entretenue, nous pensons qu'il est temps de travailler
à une étude argumentée et contradictoire visant
ainsi à l'objectivité.
Nous plaçant dans cette
perspective, nous ne passerons pas sous silence notre contestation
sur les récentes publications de Jean-Louis Marignier sur ce
sujet et pour éviter de tomber dans le domaine de la
diffamation, nous citerons donc quelques faits.
Par exemple, lors d'une exposition
sur ses travaux expérimentaux à Chalon en 1989 et dans
la publication d'un article dans la revue "Pour la Science" de
février 1997 (pages 38 et 39), J. L. Marignier, en associant
des essais obtenus par contact, sans mentionner les conditions
d'obtention, avec un texte ou un ensemble de photographies commentant
les résultats réalisés dans la chambre noire, ne
participe pas à cette objectivité que nous
évoquions précédemment, puisqu'il laisse
supposer qu'il soit possible d'obtenir de tels résultats avec
le procédé de Niépce.
Par ailleurs, en conclusion de son
ouvrage (2) sur le châlonnais page 427, l'auteur trouve que les
remarques faites par Daguerre sur le procédé de
Niépce sont injustifiées et ceci sans développer
ni argumenter. Je cite: "Dans son manuel, le directeur du Diorama
publiera la Notice sur l'héliographie de Niépce en
l'annotant de critiques erronées, ne visant qu'a diminuer
l'intérêt des travaux pionniers de l'inventeur de
Chalon-sur-Saône..", dans cet exemple l'auteur est en
contradiction avec ce qu'il écrit dans la revue "Pour la
Science" puisqu'il fait le même commentaire sur les essais de
Niépce que Daguerre: "la non possibilité de graver avec
un acide les essais dans la chambre noire."
Il est à notre avis, si l'on
accepte de telles méthodes, aisé d'écrire une
histoire suivant ses convenances. Nous rappelons que nous ne citons
que quelques exemples, argumentant ainsi notre désapprobation
et nous avouons que nous sommes étonnés de ces
méthodes pratiquées par un scientifique, chargé
de recherches au CNRS.
Dans ces mêmes publications ou
sur les différents sites internet "de la maison de
Niépce" cet auteur attribue et toujours sans argumentation,
l'invention du procédé utilisant comme couche
photo-sensible le résidu de l'essence de lavande aux deux
associés, alors qu'elle est due uniquement à Daguerre.
Ce dernier a découvert le résidu de l'essence de
lavande, sa sensibilité à la lumière ainsi que
la révélation de l'image par les vapeurs de
pétrole: ce procédé constitue l'apport de
Daguerre dans le contrat avec Niépce qui était de
découvrir un produit résineux, ou hydrocarbure
(bitume), plus sensible à la lumière, c'est ce que nous
avons indiqué, le premier, dès 1989 dans les "Annales
de la société L.J.M. Daguerre", en 1991 et 1999 dans la
revue "Vivre en Val d'Oise".
Au sujet de ce procédé
Isidore Niépce écrit dans son pamphlet contre Daguerre:
"Dès que M. Daguerre fut initié dans le secret de la
découverte de M. Niépce, il s'en occupa activement: il
substitua au bitume de Judée qu'employait mon père le
résidu de l'huile de lavande; il y avait avantage sous le
rapport de la blancheur de la couche, qui était aussi plus
sensible à l'action du fluide lumineux...."
De par nos essais, nous avons
démontré et indiqué dans le n°5 d'
"Études photographiques" qu'il n'y avait pas d'image latente
dans le procédé de Niépce.
Voulant absolument attribuer la
découverte de l'image latente à Niépce,
Jean-Louis Marignier en trouve le concept dans l'utilisation des
acides. Il écrit: "Mais les acides ne sont pas
décomposés par la lumière et c'est un nouvel
échec. Ces dernières recherches permettent à
Niépce, de comprendre qu'il n'est pas nécessaire
d'employer un composé dont la transformation est directement
visible à l'oeil, et qu'un changement de
propriété sous l'action de la lumière même
s'il est invisible, peut induire une l'apparition de l'image au cours
d'une réaction."
Or, en faisant
référence aux publications de l'époque nous
lisons:
* La lumière agit encore
chimiquement sur les corps, ainsi par le contact de la lumière
quelques acides sont décomposés... (1800): la
décomposition des acides était considérée
comme possible. [Fourcroy]
* Quand on expose l'acide nitrique
pendant quelques temps à la lumière du jour, il ne
tarde pas à se colorer en jaune ou en rouge... (1816):
informations que devait connaître Niépce puisqu'il
consultait les ouvrages de chimie dans le cadre de ses recherches.
[Thénard]
"Ainsi par le contact de la
lumière quelques acides sont décomposé....."
Fourcroy L'an III de la République
L'interprétation
des manuscrits doit être faite avec les connaissances de
l'époque.
Dans l'expérience
citée, Niépce fera des essais sur le chlore
élément considéré à cette
époque comme un élément composé acide
(gaz muriatique oxygéné ou acide muriatique
oxygéné). Ce gaz a une action décolorante, et
est de couleur jaune vert. Le commentaire de Niépce à
ce sujet est édifiant (16 juin 1816): "l'acide muriatique
oxygéné est le seul dont on pourrait tirer parti; mais
il n'est décomposé par la lumière que lorsqu'il
est uni à l'eau... il attaque très bien et d'une
manière très nette la pierre calcaire... je m'occuperai
donc, de préparer une de ces pierres qui remplacera le papier
et sur laquelle l'image colorée doit se peindre. Je la
laisserai tremper quelques temps dans l'eau chaude et ensuite je la
mettrai en contact avec le gaz acide muriatique
oxygéné... je crois qu'à l'aide de cette
disposition, on doit obtenir un résultat décisif... si
comme on n'en peut douter, l'acide est décomposé par la
lumière et si par là sa force dissolvante se trouve
modifiée".
En fait l'acide muriatique
oxygéné n'est pas un acide, mais mis en contact avec
l'hydrogène de l'eau contenu dans le calcaire de la pierre, il
se transformera avec l'aide de la lumière en acide
chlorhydrique et attaquera donc la pierre.
Dans cette application les
explications de Niépce sont sans ambiguïté. Par
cette procédure, la modification apportée sur le chlore
par la lumière et la gravure du support en pierre se font
simultanément. L'effet qui en résulte est donc visible.
Cela ne peut être considéré comme l'idée
de l'image latente.
Dans le procédé de
Daguerre, l'information enregistrée dans l'iodure d'argent est
invisible, stable et ensuite par une autre opération chimique
non simultanée, est révélée. Ce qui est
le principe de l'image latente.
Par cette contestation, nous avons
voulu dénoncer certaines méthodes qui contribuent
depuis plus de 150 ans à considérer Niépce comme
inventeur de la photographie et Daguerre comme usurpateur.
A Cormeilles-en-Parisis, le 18
Novembre 2002.
Jacques Roquencourt
(1) Avec le savant Chevreul, ami de
Niépce de Saint-Victor (ce qui explique beaucoup de choses) la
désinformation pénétrera au sein de
l'Académie des Sciences. [Compte-rendu de l'Académie
des Sciences, tome 73, année 1871] .
(2) "Niépce: l'invention de la
photographie", éd. Belin, 1999.