Sommaire: Avant le départ
de Claude Niépce en Angleterre, les Niépce
envisagèrent une association avec le Marquis de Jouffroy,
inventeur de la navigation à vapeur. L'échec (?) de
cette association précipita le départ de Claude.
Différentes raisons sont invoquées, entre autres, le
Marquis était déjà en négociation avec le
Sieur Dat. Les deux frères ne le savaient pas. Ils
éprouvèrent du dépit que cette association ne
puisse se réaliser. C'est à cette date qu'ils eurent
l'idée de faire des essais sur les sels d'argent: donc en 1816
et non en 1814.
Plan du Pyréolophore déposé le 15
nov 1806 (brevet accordé en 1807 :Arch JR + I N P I)
Inventé par Nicéphore et Claude
Niépce.
Principe:
"Voici en quoi consistait à peu près cet
appareil: c'était un cylindre, muni d'un piston, où
l'air atmosphérique était introduit à la
densité ordinaire. L'on y projetait une matière
très combustible, réduite à un grand état
de ténuité, et qui restait un moment en suspension dans
l'air, puis on y mettait le feu. L'inflammation produisait à
peu près le même effet que si le fluide élastique
eût été un mélange d'air et de gaz
combustible, d'air et d'hydrogène carboné, par exemple;
il y avait une sorte d'explosion et une dilatation subite du fluide
élastique, dilatation que l'on mettait à profit en la
faisant agir tout entière contre le piston. Celui-ci prenait
un mouvement d'une amplitude quelconque, et la puissance motrice se
trouvait ainsi réalisée. Rien n'empêchait ensuite
de renouveler l'air et de recommencer une opération semblable
à la première.
Cette machine, fort ingénieuse et
intéressante surtout par la nouveauté de son principe,
pêchait par un point capital. La matière dont on faisait
usage comme combustible (c'était la poussière de
lycopode, employée à produire les flammes sur nos
théâtres) était trop chère pour que tout
avantage ne disparût pas par cette cause; et malheureusement il
était difficile d'employer un combustible d'un prix
modéré....."
Sadi Carnot : Réflexions sur la puissance
motrice du feu et sur les machines propres à développer
cette puissance.1824.
L Carnot, lors de la présentation de ce nouveau
principe moteur à l'Académie des Sciences en 1806,
avait fait l'éloge du pyréolophore.
Par la suite, dans les années 1816 et 1817,
Claude et Nicéphore Niépce conscients de cet
inconvénient, feront des essais avec le pétrole.
En Angleterre, Claude démontra, théoriquement, que le mouvement
perpétuel était possible. Il en informa son
frère. (arch privée)
Expérience du marquis de Jouffroy faite sur la
Saône à Lyon, le 15 juillet 1783. (Figuier)
Octroi de Louis XVIII du 23 avril
1816, pour le compte du Marquis de Jouffroy. (Arch JR).
Article 1er
Il est accordé au Marquis
de Jouffroy un privilège exclusif de quinze années
pour la navigation par les moyens des
bateaux et des pompes à feu.
Article 3ième
Le Marquis de Jouffroy sera tenu
de rembourser aux différentes compagnies qui ont obtenu des
brevets d'importation, les dépenses
&&&&
correspondances entre le Marquis de Jouffroy et son
associé le Sieur Dat. (Arch JR)
Contrat passé entre le
Marquis de Jouffroy et le Sieur Dat le trente septembre
1816.
Art 1er.
Il y a association en nom collectif entre les sus
nommés pour exploiter en France les Bateaux à Vapeurs,
de l'invention et du
perfectionnement de Monsieur le Marquis de Jouffroy, pendant
toute la durée du privilège obtenu par lui pour quinze
années, qui ont commencé du 23 avril 1816.
Art 2ème.
Le fruit de cette exploitation sera divisé en
dix portions égales, cinq appartiendront à Monsieur
Dat
et cinq à Monsieur le Marquis de Jouffroy.
Art 3ème
Au sujet du Marquis..
.......Qu'il n'a fait, ni ne fera
jamais de transaction qui préjudicie à la dite
Compagnie.
Art 4ème
Monsieur Dat fait le versement à la
Société la somme de cent quarante mille francs ainsi
que le reconnaît Monsieur le Marquis de Jouffroy.
Laquelle somme de cent quarante mille francs a
été employée aux premières constructions
faites jusqu'à ce jour, de bateaux et machines à vapeur
et aux premiers frais de l'établissement de la compagnie.
&&&
Art 5ème
Pendant toute la durée du privilège
d'exploitation, Monsieur le Marquis de Jouffroy prend l'engagement de
se livrer exclusivement de sa personne à tous les travaux
qu'exigeront les constructions, à ne
faire aucun usage étranger à la Société,
des découvertes de perfectionnement que les travaux pourraient
lui suggérer le tout aux mêmes clauses et condition de
garantie envers elles, qui se trouvent exprimées en l'article
3, d'autre part Monsieur de Jouffroy prendra en
conséquence le titre de Directeur Général des
Constructions.
Art 6ème
Monsieur Dat sera l'administrateur
général des intérêts commerciaux de la
compagnie, il prendra le titre qu'il jugera convenir à cette
fonction.&&&
en tout 19 articles.
Le Charles-Philippe, lancé sur la Seine,
à Bercy, par le marquis de Jouffroy, le 20 août 1816
(Figuier)
Les frères Niépce en parlent abondamment
dans leur correspondance.
Remarques: Les raisons, à notre avis, de
l'échec des pourparlers entre les Jouffroy et les
Niépce sont nombreuses, voire multiples:
-La démonstration, de la possibilité d'utiliser
les pompes à feu sur un bateau, avait été faite
par le Marquis de Jouffroy. Il avait remonté la Saône
à Lyon, à contre courant.
-Les Niépce n'avaient pas de brevet pour l'application
de leur principe moteur et nos recherches nous ont montré que
l'utilisation de ce nouveau principe
moteur était étudié pour le mettre en
application, même en Angleterre.
-Pour les Niépce et les Jouffroy, il restait à
faire la démonstration qu'un bateau à grande
échelle, équipé du pyréolophore pouvait
remonter un courant d'eau contraire. Les Niépce avaient fait
naviguer une maquette sur un étang et sur la Saône.
-A cette date, les deux frères avaient projeté de
réaliser un grand modèle et pour eux, l'association
espérée avec les Jouffroy
père et fils, leur aurait permis de réaliser ce projet
à moindre coût.
-Le problème du coût du carburant n'était
pas résolu. Les frères expérimentaient
l'utilisation du pétrole.
-Il fallait, si le pyréolophore avait été
prêt à être utilisé, solliciter un nouvel
octroi d'application au roi. L'octroi de Louis XVIII était
accordé pour les pompes à feu.
-Fulton, lors de ses essais aux Etats-Unis, avait
démontré la faisabilité technique et commerciale
de la navigation à vapeur avec de grands bateaux.
-Les concurrents des Jouffroy avaient effectué une
démonstration concluante entre l'Angleterre et Paris: la Elise
avait navigué malgré une forte tempête.
-Il fallait pour les Jouffroy, balancer entre les
contradicteurs, les procès pour éviter de rembourser
les frais comme l'exigeait l'article 3 de l'octroi royal et les
incertitudes du moteur des deux frères.
-Voir l'objection de Dat contre le Marquis, au sujet de ses
émoluments. Lettre ci-dessus.
-En définitive, pour conclure, nous ne voyons pas
l'intérêt, pour les Jouffroy, à utiliser un
principe moteur n'ayant pas démontré cette
faisabilité technique à grande échelle; car il y
a un monde entre un prototype et une application réelle; il y avait trop d'incertitudes et il y avait
urgence!. Voir à ce sujet
l'article 3 du contrat entre Jouffroy et Dat.
-Référence: L'invention de la photographie:
une tragédie (à paraître)
Bernard Lefebvre cherchant la sépulture de
Claude Niépce à Kew.